Международный правовой курьер

В перечне ВАК с 2015 г.

Канада и защита прав коренных народов в межамериканской системе прав человека

Проблемы прав человека коренных народов стали неотъемлемой частью серьезных вопросов, стоящих перед международным сообществом и Канадой. Статья начинается с анализа процесса признания этих прав на внутреннем уровне в Канаде, а затем исследуется влияние, которое признание прав коренных народов в рамках Межамериканской системы прав человека осуществило в Канаде. При этом дедуктивный метод используется с элементами описательного, библиографического и документального исследования, особенно специализированной доктрины и правовых документов.

Le Canada et la défense des droits des peoples autochtones dans le Système interaméricain de protection des droits de l’homme

Resumé: Les peuples autochtones présentent des défis majeurs pour la société internationale et le Canada en ce qui concerne leurs droits. L’article commence par examiner le processus de reconnaissance des droits des peuples autochtones à l’intérieur du Canada, puis explore l’influence que la reconnaissance des droits des peuples autochtones a eu au Canada dans le cadre du Système interaméricain des droits de l’homme. Pour atteindre l’objectif proposé, la méthode déductive sera employée en utilisant des éléments issus de la recherche descriptive, bibliographique et documentaire, notamment la doctrine spécialisée et les instruments juridiques, afin de mieux appréhender le sujet.

Abstract: The Rights of Indigenous Peoples pose significant challenges to international society and to Canada. Initially the article analyzes the process of recognition of these rights internally in Canada and then examines the influence that the recognition of the rights of indigenous peoples has had in Canada within the framework of the Inter-American System of Human Rights. To achieve the proposed objective, the deductive method will be employed using elements from descriptive, bibliographical and documentary research, particularly specialized doctrine and legal instruments, in order to better understand the subject.

Resumen: Los Derechos de los Pueblos Indígenas plantean desafíos significativos para la sociedad internacional y para Canadá. Inicialmente el artículo analiza el proceso de reconocimiento de estos derechos a nivel interno en Canadá y luego examina la influencia que ha tenido el reconocimiento de los derechos de los pueblos indígenas en Canadá en el marco del Sistema Interamericano de Derechos Humanos. Para lograr el objetivo propuesto, se empleará el método deductivo utilizando elementos de la investigación descriptiva, bibliográfica y documental, en particular la doctrina especializada y los instrumentos jurídicos, con el fin de comprender mejor el tema.

I. INTRODUCTION

L’étude de la défense des droits des peuples autochtones dans le Système interaméricain des droits de l’homme (ci-après Système interaméricain) est en pleine expansion, également en raison de l’impact que ce système international a généré dans les pays de la région. Actuellement, en règle générale, les principales études portent sur les décisions de la Cour interaméricaine des Droits de l’Homme (ci-après dénommée la Cour interaméricaine).

Cependant, on n’a pas prêté l’attention voulue à l’histoire de la relation entre le Système interaméricain et la défense des droits des peuples autochtones, qui implique plusieurs domaines, de la représentation dans les forums interaméricains, ainsi que le travail de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (ci-après dénommée la Commission ou la Commission interaméricaine) en ce qui concerne les pays qui ne sont pas parties à la Convention américaine relative aux droits de l’homme (ci-après la Convention américaine ou CADH), comme le Canada et d’autres pays anglophones de l’Organisation des États américains (ci-après dénommée l’OEA), bien que tous les États de la région aient adopté la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme (ci-après dénommée la Déclaration américaine ou DADH) et que la violation de celle-ci soit à la base du dépôt de plaintes auprès de la Commission.

Le développement des droits des peuples autochtones au Canada a une longue histoire, qui a été liée à l’histoire de la défense des droits des peuples autochtones au niveau interaméricain, bien qu’une attention insuffisante n’ait été accordée à l’étude de cette perspective. Pour combler cette lacune, en plus de l’analyse historique de la défense des droits des peuples autochtones dans le Système interaméricain, nous présentons également brièvement des cas concrets de défense de ces droits sur la base des auditions tenues dans le cadre de la Commission.

Ainsi, le volet manuscrit vise à analyser les défis et les voies empruntées pour reconnaître les droits autochtones à la lumière du droit canadien et international.

Dans une synthèse serrée, la première section présente de brèves considérations sur les droits des peuples autochtones au Canada. Par la suite, la deuxième partie cherche à présenter comment la participation du Canada s’est déroulée dans le contexte de la reconnaissance des droits des peuples autochtones dans le Système interaméricain. À partir de là, elle analyse l’adoption de la Déclaration américaine sur les droits des peuples autochtones de 2016, ainsi que la publication de rapports et la tenue d’audiences par la Commission interaméricaine sur les droits des peuples autochtones canadiens.

Enfin, en gardant à l’esprit le scénario canadien et international, l’impact du Système interaméricain dans la défense des droits des peuples autochtones canadiens sera analysé, mettant en lumière les contributions particulières du droit international des droits de la personne.

II. BRÈVES CONSIDÉRATIONS SUR LES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES AU CANADA

Le scénario international actuel a révélé la nécessité pour les États de respecter les droits des peuples autochtones afin de lutter contre l’oppression et la marginalisation dont ils ont été victimes tout au long de l’histoire.

Bien que le Canada soit un pays prospère, certains indicateurs montrent que les peuples autochtones sont considérablement désavantagés et constituent des segments marginalisés de la société[1].

Dans le contexte de ce processus de mondialisation, lorsqu’on considère les défis du droit international, la nécessité de discuter en symbiose des aspects liés aux droits des peuples autochtones au niveau international et des avancées pratiques dans chaque pays ressort de manière poignante. Dans le cadre de la défense des droits des peuples autochtones à l’OEA, un rôle important est joué par le Canada, où trois groupes des peuples autochtones sont reconnus (les Premières Nations, les Métis et les Inuits).

La constitution du Canada est composée d’une série de règles de droit, non organisées en un seul document. Dans les Actes constitutionnels de 1867 et 1982, il est possible d’observer quelques réglementations sur les droits des peuples autochtones.

La Constitution du Canada de 1982 a été l’une des premières au monde à consacrer les droits des peuples autochtones en reconnaissant et en affirmant les droits ancestraux et issus de traités des Premiére Nations, des Inuits et des Métis du Canada. Cela a été reconnu en 2014 par le rapporteur de l’ONU sur les droits des peuples autochtones[2].

Bien que la conclusion de traités entre peuples autochtones soit répandue dans tous les États de la région, elle est plus fréquente aux États-Unis et au Canada. Par exemple, le 11 novembre 1975, le gouvernement du Québec et les représentants des Cris et des Inuits ont conclu la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

Conformément à l’article 91 (24) de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique du 29 mars 1867, le Parlement a compétence législative sur les Indiens et les terres indiennes. Les droits des peuples autochtones du Canada, qu’ils soient hérités depuis des générations ou découlant de traités, sont reconnus et affirmés conformément à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. La loi fait référence même si les droits existants des peuples autochtones sont garantis à la fois aux hommes et aux femmes.

À ce sujet, il est nécessaire de faire une brève référence à une décision d’un organisme international (l’affaire Lovelace) qui a provoqué des pressions pour des changements au Canada. Selon la Loi sur les Indiens de 1970, une femme qui épouse un non-Indien perd son statut d’Indien, ce qui n’arrive pas à un homme qui épouse un non-Indien. Cela a été renversé en 1981, lorsque le Comité des droits de l’homme a entendu la pétition de Sandra Lovelace et a conclu que la loi canadienne de 1970 violait les articles 2 et 3 de la Convention des droits civils et politiques de 1966 en discriminant sur la base du sexe[3]. Auparavant, la loi interdisait aux femmes de retourner dans les communautés autochtones, ce qui a été revu en interne après la décision internationale. Dans le cadre de la Commission interaméricaine, une audience publique sur la discrimination sexuelle fondée sur la Loi sur les Indiens du Canada a eu lieu le 7 décembre 2017, ce qui montre la complexité de la question à résoudre.

Un processus similaire d’influence de la législation internationale dans la sphère juridique canadienne s’est produit à d’autres moments. Au sein de l’OIT, le Canada n’a adopté ni la Convention 107 ni la Convention 169 sur les peuples indigènes et tribaux, mais des représentants autochtones comme Judy Sayers et Sharon Venne ont participé en 1988 et 1989 aux 75e et 76e Conférences internationales du travail à l’OIT[4]. Ce document reconnaît l’obligation de consultation préalable et l’illégitimité des pratiques intégrationnistes. Bien que le Canada ne soit pas partie à la Convention 169, son adoption a représenté une étape importante pour la transition vers des pratiques qui reconnaissent les droits ethniques. Cette situation internationale a incité plusieurs pays, dont le Canada, à revoir progressivement et abandonner l’assimilation et la subordination historiquement construite des peuples autochtones.

Sans préjudice de cela, au niveau national, une autre décision a retenu l’attention, rendue dans l’affaire R. c. Van der Peet le 21 août 1996 par la Cour suprême du Canada, qui limite la portée de l’article 35. La décision indiquait également que seuls les droits et les traditions coutumiers sont protégés, étant au centre et faisant partie intégrante de la communauté autochtone distinctive. Ils sont protégés en vertu de la constitution s’ils continuent d’être pratiqués depuis le contact.

En 2007, après un long processus d’élaboration, l’ONU a adopté la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des peuples autochtones, qui a reçu un vote négatif du Canada. Cependant, en 2010, la position a été révisée et le Canada en est venu à reconnaître cette Déclaration. Il a déclaré que la Déclaration comprend les normes essentielles pour promouvoir activement la réconciliation.

Le 21 juin 2021, le Canada adopté une loi incorporant cette Déclaration. La province de la Colombie-Britannique avait déjà adopté la loi 2019-2020 pour mettre en œuvre la déclaration avec les 46 articles de la Déclaration.

La Cour suprême a déjà reconnu l’existence du « titre autochtone », mais en pratique, il est difficile pour les premières nations d’y accéder[5]. En plus de la compréhension de l’affaire R c Van der Peet, l’aplication interne de Déclaration des Nations Unies sur les Droits des peuples autochtones peut outrepasser les interprétations restrictives de la Cour suprême.

La réconciliation a besoin de cette approche pour atteindre les objectifs de protection constitutionnelle des droits des autochtones, réinitialiser la relation entre les peuples autochtones et l’État canadien. La jurisprudence de la Cour interaméricaine en matière de droits territoriaux, notamment en ce qui concerne l’article 21 de la CADH, ainsi que le droit à une consultation préalable, libre et éclairée, peut entraîner une révision. Cette pratique de la Cour interaméricaine profiterait certainement aux communautés autochtones canadiennes[6].

Il est également nécessaire de souligner que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne du Canada a décidé qu’il n’y avait pas d’incompatibilité entre les dispositions de la loi canadienne concernant le titre aborigène sur les terres, y compris l’article 35 de la Constitution du Canada de 1982, et l’article 21 de la CADH[7].

D’autre part, la section suivante analysera l’interaction entre le Canada et la défense des droits des peuples autochtones dans le cadre du Système interaméricain des droits de l’homme en tant que mécanisme nécessaire pour renforcer les processus de réconciliation et d’accès effectifaux droits par les peuples autochtones au Canada.

III. LE CANADA ET LA DÉFENSE DES DROITS DES PEUPLES AUTOCHTONES DANS LE CADRE DU SYSTÈME INTERAMÉRICAIN DES DROITS DE L’HOMME

Géographiquement, le Canada est plus proche de l’Europe que de l’Amérique du Sud. Pour plusieurs raisons, les projets panaméricains de la fin du 19e et du début du 20e siècle ont eu très peu de participation canadienne. De même, le Canada n’a pas participé à l’OEA, fondée en 1948, mais a reçu le statut d’observateur dans l’OEA en 1972 et est devenu membre de l’organisation en 1990. Cela démontre l’intention du Canada de respecter les droits de l’homme, comme prévu dans la Charte de l’OEA et dans la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme.

Ainsi, alors que le Système interaméricain avait déjà entamées travaux avec la Commission interaméricaine et la Cour interaméricaine, la formation de la Commission a eu lieu en 1959. En 1990, année de l’adhésion du Canada à l’OEA, les travaux du Rapporteur sur les droits des peuples autochtones ont débuté. Parallèlement à cela, la défense des droits des peuples autochtones à l’échelle continentale possède une longue histoire remontant même à l’Union panaméricaine, au sein de laquelle l’Institut interaméricain indigène (IIA) a été formé en 1940. C’est lors du premier Congrès indigène interaméricain (CII), qui s’est tenu à Pátzcuaro (Mexique), que cet institut a été créé. Bien que le Canada n’ait pas envoyé de délégation à ce Congrès, il avait le statut de pays observateur à l’IIA, qui était basé à Mexico jusqu’en 2009.

Les congrès ont eu lieu en douze éditions et ont compté des représentants canadiens. Par exemple, Jasper Hill, un représentant autochtone du Canada, a prononcé un discours lors du premier congrès, et certaines publications d’auteurs autochtones canadiens se trouvent dans les archives de l’Institut. Il existe également des documents indiquant que certains représentants autochtones canadiens ont participé au IXe Congrès autochtone en 1985 à Santa Fe, aux États-Unis[8].

Dans le cadre de la Commission interaméricaine, les travaux liés aux droits des peuples autochtones au Canada se sont développés progressivement, notamment en s’appuyant sur la Déclaration américaine, étant donné que le Canada n’a pas ratifié la CADH.

Initialement, en 2001, une pétition a été présentée par Michael Mitchell, de la Première Nation Mohawk, alléguant la violation de l’article XIII (Droit à la culture) de la Déclaration américaine, en raison du refus du Canada de permettre le libre transit des marchandises à la frontière entre les États-Unis et le Canada, qui divise le territoire de la communauté. Bien que la pétition ait été rejetée, le cas du chef Michael Mitchell était remarquable car il a conduit le Canada devant la Commission interaméricaine[9]. Bien que la Cour suprême du Canada ait déclaré qu’il n’incombait pas à la Commission interaméricaine de réexaminer les faits examinés par la Cour, cela n’a pas empêché la publication d’un rapport analysant la requête.[10]

En effet, ce qui est allégué par la Cour suprême contredit l’affirmation de compétence de la Commission fondée sur la Déclaration américaine, comme on peut le constater, par exemple, dans l’affaire des sœurs Dann (États-Unis)[11].

De plus, comme l’explique le professeur Duhaime, même si la majorité des affaires interaméricaines proviennent de pays de droit civil, la Commission et la Cour interaméricaines ont fréquemment été confrontées à des questions complexes relevant du système de common law, qui concerne également les droits des peuples autochtones. Cela inclut également le Canada[12].

Bien que seule la Barbade ait accepté la compétence de la Cour, moins de la moitié des pays indépendants des Caraïbes ayant un système de common law ont ratifié la CADH[13]. Cela n’a pas entravé le travail de la Commission interaméricaine en ce qui concerne d’autres pays tels que le Belize, le Canada et les États-Unis.

En 2007, la Commission interaméricaine a déclaré irrecevable la pétition de Charles Toodlican, qui a été membre de différentes communautés autochtones (Lower Nicola et Cook’s Ferry) situées en Colombie-Britannique à différentes époques. Sa plainte portait sur son intégration dans la communauté de Lower Nicola et sur l’héritage de sa mère décédée. En termes généraux, il affirmait avoir été injustement empêché de jouir de son droit d’être membre de la communauté de Lower Nicola et de résider dans la réserve communautaire de Lower Nicola. Il prétendait également avoir été illégalement privé du droit d’hériter des terres de la réserve communautaire de Lower Nicola qui appartenaient à sa mère, Gertie Toodlican, avant son décès[14].

En 2007, les Premières Nations du traité Hul’qumi’num ont déposé une requête contre le Canada en raison de l’absence de démarcation, de délimitation et de titrage de leurs territoires ancestraux, qui ont été transférés à des entités privées tierces. La Commission a signalé que les victimes potentielles comprennent des membres des Premières Nations Cowichan, Chemainus, Penelakut, Halalt, Lyackson et Lake Cowichan, et leurs situations ont été décrites en détail dans la plainte conjointe déposée. En 2009, la recevabilité de l’affaire a été déclarée en relation avec les articles II, III, XIII et XXIII de la Déclaration américaine[15].

Dans le rapport de recevabilité, il est mentionné que la Commission a reçu des mémoires d’amicus curiae de la Première Nation Ahousaht, de l’Assemblée des Premières Nations, du Sommet des Premières Nations, de Nunavut Tunngavik Inc., de l’Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique, de la Première Nation Westbank, de la Société du traité Laich-Kwil-Tach, des Chefs héréditaires Wet’suwet’en, de la nation Tsilhqot’in, de l’Assemblée des Premières Nations de la Colombie-Britannique, de Sto, du Conseil Tribal et des Chefs héréditaires Gitanyow.

Cette participation importante d’organisations autochtones provenant de diverses régions du Canada démontre un intérêt croissant pour la protection des droits des peuples autochtones au Canada au sein de la Commission interaméricaine.

Bon nombre de ces peuples négociaient des traités avec le Canada et surveillaient de près la décision d’accepter la demande, car la Commission interaméricaine a constaté que le processus de négociation des traités modernes au Canada ne respectait pas les normes internationales en matière de recours efficaces en cas de violation des droits ancestraux sur les terres[16]. Il n’y a toujours pas eu de décision définitive dans cette affaire, ce qui n’a pas empêché l’émergence d’autres plaintes.

En 2013, une pétition a été déposée par le Conseil Athabaskan de l’Arctique, alléguant la violation de leurs droits en raison des émissions de noir de carbone par le Canada, affectant ainsi de nombreux droits autochtones des Athabaskans. Cette pétition n’a pas encore été analysée, mais elle présentait une violation des droits environnementaux séparée temporellement et spatialement de ses causes. Plus tôt, en 2005, le Conseil circumpolaire inuit avait déjà déposé une pétition contre les États-Unis pour violation de leurs droits humains en raison du changement climatique. La pétition n’a pas été admise par la Commission en raison de l’insuffisance des informations présentées et de la question de la responsabilité extraterritoriale d’un État dans la protection des droits de l’homme[17].

En plus de ces pétitions, la Commission interaméricaine a également publié des rapports thématiques sur les droits des peuples autochtones au Canada, tels que le rapport sur les disparitions et les meurtres de femmes autochtones en Colombie-Britannique en 2015 et le rapport de 2017 sur les femmes autochtones[18].

De plus, le Secrétaire général de l’OEA, L. Almagro, a exprimé sa vive inquiétude concernant les droits des peuples autochtones au Canada. Sur la base des « preuves disponibles de génocide commis contre les femmes et les filles autochtones au Canada », le chef de l’OEA a envoyé, le 3 juin 2019, une proposition aux autorités canadiennes afin de créer, sous les auspices de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, un groupe interdisciplinaire indépendant chargé de mener une enquête appropriée. Le Premier ministre a annoncé que des mesures étaient nécessaires pour résoudre cette situation[19].

Depuis 1990, le Canada a participé à l’élaboration de nombreux traités et conventions spécifiques du système des droits de la personne de l’OEA, notamment la Convention de Belém do Pará, dont la ratification permettrait à l’État de mieux protéger tous les droits des femmes en général, et les droits des femmes autochtones en particulier[20].

Avec les États-Unis, la présence du Canada dans le Système interaméricain marque une dichotomie entre les pays du Nord qui n’ont pas ratifié la plupart des instruments relatifs aux droits de la personne, et les pays du Sud qui exercent une influence sur les travaux de la Cour interaméricaine[21].

Il est également nécessaire de faire une brève observation sur l’adoption de la Déclaration américaine sur les droits des peuples autochtones, qui a été approuvée à l’unanimité en 2016 lors de l’Assemblée générale de l’OEA, mais qui a fait l’objet d’une note interprétative déposée par le Canada.

La Déclaration américaine sur les droits des peuples autochtones n’a pas encore été incorporée dans la législation interne du Canada. On observe que, sur certains points, la déclaration de l’OEA va plus loin, notamment en ce qui concerne l’égalité des sexes et les droits du travail, c’est-à-dire que la Déclaration américaine sur les droits des peuples autochtones est allée plus loin que la déclaration de l’ONU de 2007. L’article VII (égalité des sexes) de la Déclaration américaine stipule que « les femmes autochtones ont droit à la reconnaissance, à la protection et à la jouissance de tous les droits et libertés fondamentaux contenus dans le droit international, sans aucune forme de discrimination ». L’article XVII de cette déclaration stipule que « les peuples autochtones ont le droit de ne pas faire l’objet de discrimination en ce qui concerne leurs conditions de travail et, en particulier, d’emploi ou de salaire ». De plus, la Déclaration américaine mentionne également que « Les États adoptent les mesures nécessaires, conjointement avec les peuples autochtones, pour prévenir et éliminer toutes les formes de violence et de discrimination, en particulier à l’égard des femmes et des enfants autochtones »[22].

Comme d’autres documents internationaux, son acceptation par le Canada génère des effets non seulement à l’interne, mais a aussi des répercussions à l’externe. En tenant compte de la présence d’industries canadiennes dans d’autres pays, comme l’extraction de ressources naturelles[23], on observe que ce facteur gagne en importance. La possible ratification de la Convention 169 intensifierait l’inspection des activités des entreprises canadiennes. Cet instrument est utilisé comme source d’interprétation à l’encontre des États du Système interaméricain, même ceux qui ne l’ont pas ratifié, étant donné que certaines dispositions sont présentes dans la Déclaration universelle des droits des peuples autochtones[24]. Il n’est pas nécessaire d’oublier que le mardi 28 octobre 2014, la Commission interaméricaine a tenu une audience sur l’impact des activités minières canadiennes sur les droits de l’homme en Amérique latine.

Au Canada, le gouvernement utilise le terme de « réconciliation » pour mettre en avant ses efforts visant à reconstruire sa relation avec les peuples autochtones. Comme mentionné dans la déclaration du 1er juin 2023 du premier ministre à l’occasion du Mois national de l’histoire autochtone, les conséquences tragiques du colonialisme, du racisme et des inégalités doivent être éliminées. Le mot « réconciliation » est souvent mentionné dans les milieux gouvernementaux canadiens.

Dans un récent rapport de la Commission interaméricaine, il a été mentionné qu’au Canada, un processus de négociation d’accords et de traités a été mené, comprenant des accords sur les revendications territoriales et des accords sur l’autonomie gouvernementale des peuples autochtone. Cette démarche vise à rechercher la réconciliation des intérêts nationaux et des peuples autochtones, et est reconnue par l’organisme interaméricain comme une bonne pratique pour traiter les griefs historiques des peuples autochtones concernant leurs droits. Le rapport mentionne également l’Accord sur les revendications territoriales des Inuits du Nunatsiavut du Labrador (2005) comme étant le premier à inclure des dispositions sur l’autonomie gouvernementale autochtone. C’est un gouvernement inuit régional, bien qu’il fasse toujours partie de la province de Terre-Neuve-et-Labrador[25].

Dans le cadre de la Commission interaméricaine, des audiences publiques liées à la défense des droits des peuples autochtones au Canada ont déjà eu lieu plus de 10 fois entre 2006 et 2020. C’est un exemple montrant que le Canada est déjà lié au Système interaméricain, mais qu’il doit ratifier les conventions relatives aux droits de la personne pour être pleinement intégré.

La pratique d’élaborer des protocoles de consultation a déjà été reconnue lors d’une audience de la Commission interaméricaine en octobre 2020. Le Canada est lié au contexte interaméricain puisque plusieurs protocoles ont déjà été approuvés dans ce pays[26].

Enfin, il faut souligner que, à la lumière du droit international, il est clair qu’il n’existe aucun obstacle juridique empêchant le Canada de s’intégrer pleinement au Système interaméricain. En ce sens, il convient de souligner que la pleine réconciliation de l’État canadien avec les peuples autochtones demande la reconnaissance des droits autochtones internationalement reconnus, ce qui rend nécessaire une intégration complète dans le Système interaméricain.

IV. CONCLUSION

Face au moment actuel où le respect de l’environnement s’impose, les peuples autochtones ont un rôle important à jouer dans cette tâche, même si leurs droits ne se limitent pas à cette seule relation. La privation de ces droits au profit d’intérêts économiques qui ne recherchent pas un développement durable ne doit plus être acceptée, sans aucune raison de relativiser le droit à la vie et à la santé de ces peuples.

Dans le cadre des pratiques de réconciliation du Canada avec les peuples autochtones, il est impératif que les droits des peuples autochtones, garantis par le Système interaméricain, soient respectés. Cela signifie que le Canada doit être pleinement intégré au Système interaméricain en ratifiant les instruments nécessaires à cette fin.

Afin de fournir au lecteur une perspective des points abordés dans l’étude, il est nécessaire de considérer que:

1. Bien que le Comité sénatorial permanent pour le peuple canadien ait recommandé en 2003 et 2005 la ratification par le Canada de la CADH[27], ce processus, essentiel à la pleine intégration du Canada au Système interaméricaine, n’est pas encore conclu. Certains auteurs ont déjà souligné la nécessité pour le Canada de se joindre au Système interaméricain, et il n’y a aucune barrière liée à la compatibilité des cultures juridiques du Canada avec la CADH, ce qui justifie l’adhésion du Canada à cette dernière[28]. Par conséquent, il n’est pas inopportun de reconnaître que cette intégration apportera de nouveaux éléments pour le développement des droits des peuples autochtones en interne, en tenant compte de l’interrelation entre ces droits et différents facteurs, tels que l’accès au territoire, le genre, comme cela a déjà été développé en pratique intensive au sein du Système interaméricain.

2. Actuellement, le droit international n’est pas aussi éloigné du droit national qu’il l’était autrefois. L’approbation et la promulgation internes de la Déclaration des Nations Unies représentent une étape importante dans la réalisation des droits autochtones, et le même processus doit être répété avec d’autres documents liés à la défense de ces droits.

3. Il est nécessaire de revoir la déclaration d’interprétation dans la DADH, ainsi que les dispositions de cette déclaration à internaliser. Dans un scénario idéal, il faudrait adopter d’autres instruments de défense des droits des peuples autochtones, comme la Convention 169, adoptée par la plupart des pays de l’OEA, ou la Convention interaméricaine pour prévenir, punir et éliminer la violence à l’égard des femmes.

4. Il est nécessaire de surveiller et de se conformer pleinement aux recommandations déjà faites par les rapports de la Commission interaméricaine dans le domaine de la défense des droits des peuples autochtones canadiens.

Par conséquent, sans vouloir alarmer, on observe que rien n’empêche le Canada d’adhérer aux efforts du Système interaméricain pour créer des instruments capables de garantir les droits des autochtones dans la région. Il convient toutefois de noter que les propositions mises en évidence ici ne visent pas à épuiser la discussion. Au contraire, on espère que le débat sera amplifié pour qu’on puisse sans cesse chercher, au Canada ou dans d’autres pays de le Système interaméricaine, à renforcer la protection des droits des peuples autochtones.


[1] Barsh, Russel Lawrence. Canada’s Aboriginal Peoples: Social Integration or Disintegration? The Canadian Journal of Native Studies, vol. 14 No. 1, 1994.

[2] Anaya, James. Report of the Special Rapporteur on the Rights of Indigenous Peoples, UNHRC, A/HRC/27/52/Ad 2, 2014.

[3] Human Rights Committee, GAOR 36th Session. Supp. 40 (A/36/40). Ann. XVIII, 166. Views of the Human Rights Committee under Art. 5(4) of the Optional Protocol concerning Communication. N-R 6/24. 30 July 1981.

[4] Dourado, Gabriel. Um olhar antropológico sobre a Convenção 169 da Organização Internacional do Trabalho (OIT) sobre Povos Indígenas e Tribais em Países Independentes. Dourados-MS, Brasil. Programa de Pós Graduação em Antropologia Social da Universidade Federal da Grande Dourados, 2022, 209 p.

[5] Borrows, John. Recovering Canada: the resurgence of Indigenous law. University of Toronto, 2002, Chapter Five Questioning Canada’s Title to Land: The Rule of Law, Aboriginal Peoples, and Colonialism.

[6] Macaulay, M. M. Keynote Speech. Canada and the Inter-American Human Rights System. Revue québécoise de droit international, 2022, p. 15–25.

[7] Canada, Standing Senate Committee on Human Rights, Enhancing Canada’s Role in the OAS: Canadian Adherence to the American Convention on Human Rights (Ottawa: The Senate, 2003).

[8] Giraudo L. El Instituto Indigenista Interamericano y la participación indígena (1940-1998). Instituto Indigenista Interamericano, Ciudad de México, Revista América Indígena, volumen LXII, nº 3, Jul-Sep 2006, p. 20.

[9] Commission Interaméricaine des Droits de L’homme. Grand Chief Michael Mitchell (Canada) Informe de admisibilidad. 22.10.2003.

[10] Sara Gold, «Somos americanos? The potential of the Inter-American Human Rights System for Indigenous justice in Canada». Revue québécoise de droit international, Hors-série — Juin 2022, 16 juin 2022, p. 177.

[11] Commission Interaméricaine des Droits de L’homme. Affaire 11.140, Mary et Carrie Dann (États-Unis), 27 décembre 2002.

[12] Duhaime, B. Dix raisons pour lesquelles le Canada devrait adhérer à la Convention Américaine relative aux Droits de L’homme. Revue québécoise de droit international, 2018, 31(1), p. 277.

[13] Macaulay, M. M.. Keynote Speech. Canada and the Inter-American Human Rights System. Revue québécoise de droit international, 16 juin 2022, p. 15–25.

[14] Commission Interaméricaine des Droits de L’homme. Charles Toodlican. Rapport n° 61/07, du 27 juillet 2007, requête n° 543-01.

[15] Commission Interaméricaine des Droits de L’homme, Hul’qumi’num Treaty Group, Canada, Petition 592-07, Report No 105/09, 30 octobre 2009, paragr. 56.

[16] Commission Interaméricaine des Droits de L’homme. Hul’qumi’num Treaty Group, Canada, Petition 592-07, Report No 105/09, 30 octobre 2009, paragr. 37.

[17] Szpak, A. Arctic Athabaskan Council’s petition to the Inter-American Commission on human rights and climate change—business as usual or a breakthrough? Climatic Change 162, 1575–1593 (2020).

[18] Duhaime, B. Dix raisons pour lesquelles le Canada devrait adhérer à la Convention Américaine relative aux Droits de L’homme. Revue québécoise de droit international, 2018, 31(1), p. 273.

[19] The Globe and Mail. Trudeau accepts Indigenous inquiry’s finding of genocide. Wendy Stueck, Andrea Woo, Vancouver, Published, June 4, 2019 Updated June 5, 2019. URL: https://www.theglobeandmail.com/canada/british-columbia/article-trudeau-accepts-indigenous-inquirys-finding-of-genocide/.

[20] Macaulay, M. M. Keynote Speech. Canada and the Inter-American Human Rights System. Revue québécoise de droit international, 2022, p. 15–25.

[21] Farget, D. Entre discontinuité et complexitédans la conception del’environnement des instances interaméricaines et desrequérants autochtones revendiquant leur droit auterritoire. Vertigo, Hors-série 22, septembre 2015, parrag. 12.

[22] Organization of American States. General Assembly. Regular Session (46th : 2016 : Santo Domingo, Dominican Republic) Déclaration Américaine sur les Droits des peuples autochtones : AG/RES.2888 (XLVI-O/16): (Résolution adoptée à la troisième séance plénière, le 15 juin 2016).

[23] Duhaime, B. Dix raisons pour lesquelles le Canada devrait adhérer à la Convention Américaine relative aux Droits de L’homme. Revue québécoise de droit international, 2018, 31(1), 279.

[24] Voir dans la Commission Interaméricaine: Affaire 12.053, Communautés indigènes mayas du district de Tolède c. Bélize, 12 octobre 2004. Voir dans la Cour Interaméricaine: Affaire des peuples Kaliña et Lokono vs. Surinam. Arrêt du 25 novembre 2015.

[25] Inter-American Commission on Human Rights. Derecho a la libre determinación de los Pueblos Indígenas y Tribales. Aprobado por la Comisión Interamericana de Derechos Humanos el 28 de diciembre de 2021. 3. a. Procesos de acuerdo de reclamaciones de tierras, autogobierno indígena y otros procesos de reclamación en Canadá, p. 124-127.

[26] Pour une liste de certains de ces protocoles, voir la thèse intitulée « «Consultation and Consent Protocols and Self-Determination: “We Have the Right to Establish Our Own Way of Being Consulted”» présentée par Martha Priscylla Monteiro Joca Martins au Faculté de droit de l’Université de Montréal en 2022, sur les pages 488-490.

[27] Gold, Sara. Somos americanos? The potential of the Inter-American Human Rights System for Indigenous justice in Canada. Revue québécoise de droit international, Hors-série — Juin 2022, 16 juin 2022, p. 163-184.

[28] Duhaime, B. Dix raisons pour lesquelles le Canada devrait adhérer à la Convention Américaine relative aux Droits de L’homme. Revue québécoise de droit international, 31(1), 2018, p. 267-283.

Информация об авторе:

Габриел Доурадо Роша, аспирант кафедры международного права юридического института Российского университета дружбы народов.

Information about the author:

Gabriel Dourado Rocha, Doctorant à l’Université Russe de l’Amitié des Peuples Patrice Emery Lumumba, Russie.

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